L'assurage en mouvement

L'assurage en mouvement est sans doute la technique d'alpinisme provoquant le plus de perplexité chez le randonneur ou le grimpeur de salle d'escalade. C'est pourtant la plus ancienne.

On comprend facilement le principe de l'assurage par longueurs: l'assureur, ou bien ayant les deux pieds posés à terre, ou bien étant vaché (accroché par une longe maintenue en tension) à un relais solide, laisse filer la corde dans un frein au fur et à mesure de la progression du grimpeur de tête, lequel place des protections de loin en loin sur le rocher et y mousquetonne sa corde. Ce grimpeur de tête risque alors une chute du double de la hauteur le séparant de la dernière protection posée, additionnée de l'élasticité de la corde et du glissement de celle-ci dans le frein de l'assureur. Le second sera, lui, assuré du haut, une fois le grimpeur de tête vaché à son tour à un relais solide plus élevé sur la paroi.

 

En revanche, l'assurage en mouvement suppose que l'ensemble des membres de la cordée soit en progression, et la logique implacable de tout profane est de se demander si ce n'est pas tout bonnement le meilleur moyen de tomber à plusieurs...

 

Cette question a marqué l'histoire de l'alpinisme, notamment à travers des accidents célèbres. Avant qu'on ne songe à emporter une corde, les pionniers se chargeaient de longues perches (cf. gravure supra) dont une extrémité était tenue par l'assureur, l'autre bout étant saisi par l'excursionniste franchissant le passage scabreux, pont de neige ou passage d'escalade. Cette manière de faire est encore utilisée par les moniteurs pour enseigner la natation. Puis on troqua la perche pour la corde en chanvre, en l'utilisant de la même manière, c'est à dire en la tenant aux deux extrémités ou à une seule. Ceci jusqu'à l'accident fondateur du versant italien du col du Géant survenu le 15 août 1860 et décrit par Whymper à la page 56 de son Guide à Chamonix et dans la chaîne du Mont-Blanc (A. Jullien éditeur, Genève, 1910) : "Un guide les conduisait et un autre était en queue. Ils tenaient tous deux la corde, qui liait les autres, quand la glissade se produisit. Ils lâchèrent la corde. "Tout ce qui est connu du public, c'est que les deux hommes qui étaient en tête et en queue de caravane, laissèrent aller la corde et échappèrent, pendant que les trois Anglais et Tairraz périrent." J.Tyndall "

 

Par la suite, on prit l'habitude d'encorder tous les membres de la caravane qui devint "cordée". Ce ne fut pas sans sérieux inconvénients. Le plus illustre des accidents de montagne, le drame du Cervin de juillet 1865, fit couler beaucoup d'encre, déclenchant la première enquête pénale de l'histoire de l'alpinisme par le juge d'instruction Joseph Antoine Clemenz, la reine Victoria elle-même envisageant alors d'interdire la pratique à ses sujets. C'est dire si l'assurage en mouvement mérite qu'on s'y appesantisse afin qu'effectivement, ce ne soit pas le meilleur moyen de tomber à plusieurs.

 

On trouvera la question exposée à plusieurs endroits du manuel avec un chapitre entier qui lui est consacré (chapitre 5, page 136) abordant les indications des différentes méthodes, les encordements non conventionnels (page 145), mais aussi aux pages 37 (encordement sur glacier), 38 à 42 (anneaux de buste), 46 (position de réchappe), 50 (principe général), 125 (recherche des tiers), 126 (nœuds de freinage sur glacier mou) et 130 (réduire en pente raide).

 

C'est ici qu'on va devenir montagnard.

Réduction de l'encordement par des anneaux de buste
Réduction de l'encordement par des anneaux de buste